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Sous, sous Notre Bonne Mère
Blanche neige

hommage à quelques francs imaginaires

 

"Notre Dame de la garde, Protégez ceux qui sont en mer et que tous les autre
se démerdent !"

A la recherche du premier lampadaire venu, puis du prochain feu rouge, pour
se soulager du poids de ce voeux marseillais et de tous les doutes et douleurs liés
à l'adolescent appareillage de notre monde, un jeune homme, donc, essaie
de se pendre.
Désspérément , heureusement .

Bien loin de là, court une jeune fille aux cheveux de jais et à la peau de lait;
sans perdre haleine, elle court, elle accourt dans le rêve campagnard de son charmant
prince rocker bourguignon à la banane triomphante.

Dernier grésillement du répondeur de l'aimée dans le chuintement lourd d'une vieille basket sur l'asphalte ou claque mouillée une canette d'export à la gueule de Pierrot lunaire. "Putain!".
Ici.

Là-bas, un "love me tender" pelvissé en play-back de maître enchaîne aussi sec
une "mais que sais-tu de moi, toi qui chante si bien, que sais-tu de mes rêves?
Si tu les connaissais tu serais..".
La fuir, cette reine de Cherbourg qui vient de s'éveiller, jalouse, frustrée.

Ici, c'est verdâtre, carrelé et sous les coups de phares ça cogne dur, mat.
Qui? Pourquoi? Oh, juste cette sale rage.

Là-bas, c'est bleu comme l'eau des truites où de jeunes corps hilares nagent:
Blanche Neige et ses deux nains.
"J'ai souhaité être une pomme à un arbre accrochée et, chaque fois que dessous
tu passais, croquée.."
Le soleil de Rio bravo filmé façon Godard mûrit le rouge fruit du désir.

Mais ici, le doux sourire et l'épaule de Notre Bonne Mère mordorée par une lune joueuse et, oh! miracle!, sous leurs auras conjuguées, irradié, allégé, notre Pierrot s'est relevé.

Mais là-bas, les derniers néons d'un Luna-Park clignotent en vain, tout est consommé.
Blanche neige dort à jamais et qui sait si "un jour son prince viendra..".
Dernier play-back.

ou le plaisir de ces fins, bonnes et mauvaises, qui, d'un petit bout de jardin intime, appellent le grand large.

"Couillon de la Lune" 13 mn 1992
"Un jour, son prince" 52 mn 1993

2 histoires vidéo, de Philippe Cathala et de César Vayssié , jeunes artistes récents diplômés des écoles d'art de Marseille et Dijon, pour un modeste éloge
de francitude?!
Tout simplement témoigner du bonheur de la rencontre de deux imaginaires
à tel point ancrés dans leur territoire, leur langue et leur temps, qu'ils n'ont besoin d'aucune prothèse ou carte postale pour nous raconter une histoire:
juste, chacun, son histoire faite d'images justes et de citations fantasques où tous les moyens d'écriture d'hier et de demain sont bons.

Oui, je n'ai vu ni le cliché d'une urbanité saumâtre, ni celui d'une campagne replète et franchouillarde, ni les sempiternelles pagnolades et chanoinneries arrosées de pastis ou de kir, ni l'autoflagellation marseillaise trop pratiquée ou les nationaux
"et moi, et moi" émois d'immatures jeunes et vieux imbéciles en (im)postures artistiques.
Oui, aujourd'hui, je n'ai rien vu, heureusement de tout cela
mais j'ai remonté la rue des héros pour revoir, au coin des boulevards Voltaire et de la Liberté, l'épaule d'une vierge dorée et, un square pisseux passé, du haut de l'autel impérial barbare de St Charles, dans le bleu de la nuit transfigurée, la-bas, muet,
ce visage opalin d'une femme au corbeau.

Oui, dans le plaisir de l'air du large et de ce babil francien,
je suis, aujourd'hui, un spectateur-arpenteur métèque et interlope -heureux!-

Sous, sous Notre Bonne Mère,
Blanche neige..

Marseille, 1993

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