MoTim, première matière

Une chorégraphie mots/images/motifs animés proposée
par
Pierre Lobstein, portraitiste transmédia
avec
Joe Dale T. Nevaquaya, poète, plasticien
Richard Ray Whitman, photographe, plasticien

Dans MoTim il y a mot, image et motif
il y a le bruit de voix, le son inintelligible,
le son mu, la mouche qui bourdonne,
il y a le portrait, la conjuration de l’absence,
il y a ce qui pousse au mouvement, excite,
il y a le muet, le fantôme, la raison d’agir.


Un motim c’est un attracteur numérique qui ne se contente pas de relier des mondes en amalgamant les espaces et les temps, c’est un puissant déconstructeur car il ne cesse
de reconjuguer.
“ Je perçois ” plutôt que “ je vois ” et “ j’entends ”
Pensées sensorielles. Intelligences émotionnelles.

Le motim émerge d’un mouvement, d’une instabilité structurelle de, entre, quelques mondes respectifs et communs:
celui de deux pince-sans-rires, américains par défaut, Yuchis d’Oklahoma
-minuscule tribu indienne dont la langue, unique, est moribonde-,
celui d’un invétéré optimiste-sans-illusion marrakchi russo alsacien de hasard,
celui d’une création d’aujourd’hui avec quelques préoccupations éthiques et esthétiques
plutôt qu’ethniques..
Le motim excite toutes les techniques et technologies sans échelle ni hiérarchie:
de l’écriture sur sable au livre électronique, de l’icône web à la téléprojection d’images géantes,
du plus physique au plus virtuel..


La 1ere matière du motim est faite du chiffre 3:
mon premier est une vanité présentée en tryptique telle un rétable-écran où trois crânes “ habités ” d’images et de sons sont aussi auréolés de mots (13 mn en boucle) ;
mon deuxième est une enluminure qui, telle un livre à trois faces déployées, se compose de 36 vers “ animés ” d’images et de sons (42 s en boucle) ;
mon troisième est une parole qui, telle un plafond du Vatican ou une table d’orientation inversée, présente et célébre son personnage -parmi les derniers locuteur d’une langue à jamais trépassée- (3 mn en boucle).

Les palpitations ci-jointes évoquent cette trinité par de minuscules moments dont celui où Joe Dale, dans sa parole cardinale, invoque la langue yuchi génératrice depuis la nuit des temps d’une farouche liberté partagée –il n’y a pas de mot pour clôture, barrière, frontière, propriété..- alors que seuls quelques palais au monde la sentent en/corps claquer..
Mais comment “ lire ” simultanément les 3x12 vers qui composent ce motim-livre,
comment “ voir ” les 36 images x 25 x 3 secondes qui de surcroît les habitent?
Comment ? Comment ? Redoublement de ce martèlement devant le motim-rétable.
Enfin comment “ entendre ” ce Yuchi –You..She-.. -You..See- dont ne résonne plus que la musique testamentaire ?
Au moins d’un motim l’autre, les yeux écarquillés, les oreilles déployées,
éprouver la torsure du cou qui les tend.


“ Percevoir ” plutôt que.. disions-nous.

“ Faire émerger ” des passages entre les règnes où tant les poètes que les scientifiques, que toutes et tous, simples “ passants ” bien humains , éprouvent la joie de ces nouveaux & insoupçonnés paysages générés au gré de leurs pas.

Au XVIe siècle, d’Italie au Mexique, les “ Grotesques ”, de couvertures de livres
aux immenses murs et plafonds d ’églises, de couvents, de palais dessinent de leurs arabesques
et chimères des passages débordant toutes les marges, les frontières, les traditions.
Selon André Chastel “ leur domaine est donc assez exactement l’antithèse de celui
de la représentation dont les normes étaient définies par la vision perspective de l’espace
et la distinction, la caractérisation des types ” (la Grottesque, essai sur l’ornement sans nom).
Flamboyantes hybridations, elles n’ont vécu que le temps d’une transition.
Et si elles n’ont pas laissé de traditions, du moins, aujourd’hui, au coeur d ’une nouvelle tempête
de la représentation, d’autres technologies aidant, leurs traces, leurs fantômes excitent
notre motim..
Raison d’agir.

1ere matière , une scénographie vidéo pour 4 video-projecteurs, 3 moniteurs et 7 lecteurs en attendant le papier peint numérique & l'encre électonique, e-ink..