Cet homme, dans son rocking chair, s'est balancé, impassible, 1000 fois 20 secondes par jour au Mont Parnasse, entre deux publicités, les étés 2000 et 2001. Un jour, une femme a composé le numéro de téléphone inscrit sous l'écran. Elle voulait simplement remercier cet homme ainsi que la personne qui l'avait filmé. "Chaque soir, lorsque je rentre chez moi, je regarde l'Indien. Il m'apaise. Merci." Voilà un moment vrai pour une vraie fiction dont l'Indien est l'image qui appelle. -YOU...SEE une histoire au long cours |
Archétype de l'usine à rêves Et à jamais barbare Il nous regarde ça nous regarde Elle le regarde C'est l'histoire d'une bascule entre monde blanc Et monde rouge D'une bascule entre l'homme et la femme Entre la réalité et le mythe Entre la lumière et l'ombre Entre l'anthropologie et la fiction C'est l'histoire de la bascule de notre regard où enfin La flamme d'Eros allume La magie de l'image C'est une histoire de la nature humaine Elle est déjà écrite comme elle s'écrira en chemin... Une image peut-elle changer des vies? Deux sexes peuvent-ils imaginer sa magie? C'est l'histoire de deux barbares qui s'illuminent au coeur de l'Empire... |
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Médée Petite fille du Soleil, fille de la Nuit, magicienne, elle a l'ignorance absolue du médiocre et l'impérieuse nécessité de franchir toujours les bornes du connu. Elle n'a jamais perdu la connaissance spermatique, celle de l'indissociabilitÈ du corps et de l'âme, de la chair et du verbe, du feu et de la raison. Elle est une femme totale, de celles qui font l'Homme et qui vomissent de leurs bouches les tièdes et les lâches, les petits maîtres. Elle a sacrifié deux enfants de son ventre éjaculés par un blanc parjure. Petite fille du Soleil, elle est une artiste au présent, elle est une barbare au levant de l'Occident. Elle est pour de vrai (toute ressemblance etc.. est volontaire). Tsoya'ha (petit soleil) Né d'une goutte de sang tombé du Soleil sur la Terre, il est son fils, l'Adam rouge de son peuple Yu-chee. Mais depuis Hollywood, il est un homme-image, un bon Indien générique ou l'ambigue mémoire incarnée de cette "dignité, droiture, force de caractêre, vaillance et indomptable esprit d' indépendance qui avaient tant impressionné les premiers européens rencontrant ces hommes et femmes, jeunes et vieux, libres, Egaux et fraternels, au sein de leur tribu à l'économie domestique communiste" (Engels, l'origine de la famille). Il est un ancien activiste du American Indian Mouvment . Il était au siège de Wounded Knee. Il est un artiste au présent. Homme-soleil, il est un barbare au couchant de l'Occident. Il est pour de vrai (toute ressemblance ..) Sink Demi-frère de Petit Soleil, il a un corps d'homme, un esprit de femme et ses mots sont androgynes. Poête, il a les pensées pêcheresses et l'encre somnanbule. Il est rouge homme-lune. Il est celui qui appelle et parle le passé et l'avenir. Il est pour de vrai (toute ressemblance..). Un choeur mixte est parfois son écho. Onos ¬né nain, il est le compagnon surnaturel de Médée. Sa couleur rouge atteste de sa nature divine. Le Soleil l'a offert à sa petite fille pour la consoler de la trahison du blanc. Les Yu-chee, à sa vue, si petit, si rouge, avec de si longues oreilles, stupéfaits, le nomment Horrabbit puisque fruit de la fornication avec une jument de leur lapin lubrique, menteur et mythologique qui, à l'origine, pour eux, a volé le feu. DS Véhicule des dieux, elle respire, aspire et expire avant de s'élancer. Déesse blanche, décapotée, Médée est son aurige, sa magicienne. Elle en transporte tous les attributs: une très ancienne valise de cuir blanc dont sortiront des marionnettes-personnages, homme-soleil, homme-lune, étoiles traversières, anges de Médée avec leurs vraies ailes + mille appeaux et maquillages bénéfiques, offrandes d'une mémoire blanche au monde indien. Imaginez alors cette équipée, en elle-même, déjà épopée. Médée, rayonnante, au volant de sa DS décapotée. Tsoya'ha, les cheveux jais au vent, hilare à ses côtés. Onos, impavide à l'arrière, son poitrail, sa tête, ses oreilles bien dressées. Sink, pour faire bonne mesure avec son voisin l'âne nain, assis sur le coffre, pieds dans l'habitacle, imperturbablement ailé. Bien sûr, il faudra tout le temps de la fiction jusqu'à Sunset Boulevard -avant un flamboyant final- pour arriver à cet état de grâce burlesque. Mais, seuls et ensemble, dès le premier instant, Ils ne seront que sujets de toutes les attentions. Quelques tribus de caractères seront sur leur route. Celle des Yuchees, déportée de Géorgie en Oklahoma par le chemin des larmes au XIXe, presque disparue mais bien renaissante -même sans terre- avec ses rituels et ses nombreux enfants. Ils sont aujourd'hui 2.000. Celle des Navajos qui, en symétrie, sur le plus grand territoire Indien des USA, l'equivalent de la Belgique à cheval sur le Nouveau Mexique, l'Arizona et l'Utah, avec ses mines d'uranium et ses ressources touristiques gérées -en partie- par un conseil tribal conciliant depuis une dizaine d'années modernité économique et traditions collectives, est une très inattendue société socialiste au coeur de l'Amérique Impériale. Ils sont aujourd'hui 200.000. Ils sont tous pour de vrai. Une vérité qui nourrira cette histoire puisqu'il n'y aura ni figurants ni décors mais uniquement des complicités bien inscrites dans leur contexte. Les Yuchees célébreront, par exemple, une cérémonie pour qu'elle advienne. Mon approche de la réalité Indienne Américaine s'est faite depuis 15 ans par des relations d'amitiés et de travail avec des artistes Yuchees et Navajos et avec leur peuple. Au printemps 1988, je faisais, lors d'une première rencontre à Oklahoma City, le vidéo-portrait de Tsoya'ha, nom yuchee de Richard Ray Whitman, photographe, avec 5 autres artistes indiens contemporains. Les étés 2000 et 2001, dans un spot diffusé sur le plus grand écran vidéo publicitaire européen au pied de la tour Mont Parnasse, Richard s'est balancé, énigmatique, dans un lent zoom arrière s'achevant sur une question: à quoi sert le lynx? Haïku visuel, nouvelle respiration urbaine, Richard, en riant, s'est lui-même défini comme la gardien -the watcher- de ce Pari(s) qu'il aime tant et de ses 13 millions de regards estimés qu'il a appelés. Entre temps, avec Richard et Joe (Sink) Dale Tate Nevaquaya, son demi-frËre, poête, des banlieues Mohawk de Montréal à la Monument Valley Navajo en passant par leur tribu Yuchiee en Oklahoma, j'ai vidéo-documenté cette amérique indienne si mythique -la seule invocation des noms..- et si invisible pour qui ne veut pas la voir par delà les clichés... Quitte à les retourner, ces clichés, jusqu'en suivant les traces de Buffalo Bill. J'ai pu, en effet, inviter Richard et Joe en 94-95-96 à Marseille pour une scénographie multi-média dans un des quartiers nord. Ce mouvement a suscité d'autres rencontres qui nourrissent de même ce récit. - Celle de John Trudell, poête-chanteur, dernier leader charismatique de l'American Indian Mouvement dont, en 1978, lors d'une marche sur Washington, la femme et les trois enfants ont été brûlés vifs dans des circonstances jamais élucidées (le FBI ayant clos cette affaire très vite puisqu'il en était probablement l'instigateur). John, traumatisé, a voulu se venger mais, le jour où il a réalisé qu'il n'était plus lui-même qu'une bête traquée, il a décidé de se battre uniquement par son art. Richard et John se sont connus à Wounded Knee en 73. Une dizaine de poêmes de John rythmeront l'histoire. - Celle de Larry Emerson, peintre, medecine man, conseiller économique au Conseil Tribal Navajo, qui milite depuis vingt ans pour une écologie politique où son peuple régénérerait ses traditions dans une bonne gestion collective des richesses de son sol: charbon, pétrole, uranium et soleil + tourisme. Engels doit se retourner de plaisir dans sa tombe... Si la notion indienne de cycles va à l'encontre de son matérialisme historique, il y aurait une mémoire vivante du communisme générique au coeur du capitalisme et de son Empire... L'épopée traversera la grande foire et fête annuelle Navajo, début Septembre, à Window Rock, siège du Conseil Tribal car il n'est pas de meilleurs lieux et moment pour, dans une foule immense et totalement indienne, peindre, sans aucun romantisme, la tranquille évidence de cette amérique indienne contemporaine. -You... See juste une histoire se construit donc constamment de cette balance entre l'extrême présence de ces corps d'aujourd'hui dans leurs contextes les plus réalistes et des archétypes archaïques qu'ils incarnent .. l'homme-soleil, l'homme-lune, l'homme-médecine, tous sauvages parmi les sauvages comme notre magicienne.. Médée, enfant, dans le hasard d'une somnolence diurne, a connu le plaisir traversée par un ardent rayon. Depuis, le Soleil est un redoutable rival pour tout homme. Et comme même l'ombre de la nuit est sans oubli. Alors, comment, aujourd'hui, un homme, porteur de lumière, porteur de mythes, peut-il assumer son image qui appelle? |
1. L'annonce Un oeil s'ouvre, immense, exorbité. Son iris, solaire et somptueux, jaune profond. En son abîme, l'éclat d'un étrange reflet. Un visage se balance doucement, coiffé d'un grand chapeau, ceints de longs cheveux noirs. Cristallin, Ènigmatique, archétypal, il sourit. Réflexion en rocking chair d'un indien hollywoodien dans un oeil d'or. Et dans l'avant de son mouvement Une voix masculine murmure "You" Et dans l'arriËre de son mouvement la voix "She" râle d' un homme jouissant. la voix puissante "You !" La paupière, lourde, se ferme. cri de rage d'une femme. la voix "She !" Un corps blanc déchire cette nuit. Le dos blafard et sculptural d'un homme rejeté par deux mains féminines et qui, portant à même la peau la mémoire de son coït pornographique, au ralenti, dans un bruit sourd, s'écrase sur le parquet. la voix "You !" La silhouette d'une femme qui, déjà debout sur sa couche, nue, appelée, happée, dessinée par la caresse d'une intense luminescence mouvante, une caresse de l'ailleurs . la voix "She." Dans l'embrasure d'une fenêtre, elle reprend son souffle, âpre, face à l'impassible visage du bel indien américain qui, d'avant en arrière, la voix "You !" d'arriËre en avant, la voix "She.." sur son fauteuil d'acier à bascule, homme-image d'un écran vidéo géant suspendu à la façade d'une tour, tel un phare pour des âmes en mal d'épopées, illumine la ville. Le chant enjoué d'un rouge-gorge ponctué de curieux grincements mécaniques. L'écran s'éteint. Un long souffle féminin. Paris, Montparnasse, minuit. Telles des fantômes, surgissant d'un énorme nuage de poussiËres sombres habité de gargouilles diaboliques, se redressent les Twin Towers. Le rugissement d'un avion qui s'envole. 2. La révélation Le flamboiement sanglant de tout un ciel au couchant. Contemplatrices, deux silhouettes humaines se balancent dans leur rocking-chair. Stridences de milliards d'insectes. L'une soulève son chapeau et se passe une main dans ses très longs cheveux : serait-elle l'homme-image ? Oklahoma-City, le lendemain Le scintillement d'une lumière blanche. Deux phares en amande d'un véhicule ont stoppé. Les deux veilleurs n'ont pas bronché. Le grondement d'un chien à leurs pieds. Dans les derniers rougeoiements de l'horizon, Deux silhouettes quittent la voiture. Le mouvement de l'une n'a rien d'humain : quatre pattes entre deux immenses oreilles toutes droites dressées. Les grondements canins se sont accrus. Dans le faisceau des phares, une femme s'avance. A ses côtés, un âne nain. Aboiements furieux Vivement, les deux rocking men se lèvent Dans la lumiËre Et, tel un écho, leur vis à vis féminin s'effondre, Èvanouie. Quatre faces, dans une lumière rasante, penchées la scrutent. Celle de l'homme-image enluminée, étrangement, toute entière, par un soleil levant.. Celle d'un autre indien enluminée par une demi-lune. Celle d'un âne rouge. Celle d'un chien Dingo. Le choeur mixte Qui peut comprendre la Lune ? Vivement, de sa main, elle se voile le regard pour, écartant doucement les doigts, entrevoir à nouveau les mêmes sollicitudes. Les visages de l'homme-soleil et de l'homme-lune, flottants, sourient. Tremblants, le doigts isolent l'homme-soleil et, brusquement, en un mouvement de ciseau, l''occultent. Nouvel évanouissement. Le choeur mixte Qui peut comprendre le Soleil ? Encadrée par les deux phares en amande, l'aura blanche de l'Indien et de la femme inanimée dans ses bras ne forme plus qu'une croix se dressant dans la nuit. Elle s'avance et s'offre jusqu'au noir. 3. La pluie d'or L'empreinte d'un corps sur un vieux canapé défoncé tel un radeau échoué au milieu d'un salon : une mer de papiers et d'objets amoncelés. La nature morte d'un chaos au petit matin. Seuls, les grillons Oklahoma-City, 2eme jour Couinement d'une porte Une silhouette sombre pénètre discrètement dans ce désastre apparent. L'homme-image, de dos, s'immobilise devant le canapé abandonné. Se baissant, il tâte légèrement, sur le velours grenat, la marque du corps absent. L' ombre de ses pas sur une terre ocre. Les grillons toujours plus forts L'ombre en mouvement se fond dans un massif de feuillage Arrêt. Une petite béance de verdure. Le glissement d'un regard. Dans sa frontalité abstraite, baigné par une pluie de rayons, voici une Origine du monde : couché sur l'herbe, à demi-nu, le corps de la femme blanche, les jambes entrouvertes, offre une toison d'or à l'ardeur du Soleil . Ses cuisses frémissent de plaisir. Alors, sa main se pose, pudique. L'éclat d'un rayon sur une bague. Eblouissement de l'homme. La béance de verdure. Une main brune d'homme palpe l'herbe foulée. Son cà, dans la mémoire du pubis, les yeux fermés, un visage dans la caresse du soleil, le visage humain de l'homme rouge. 4. Adam Une voix d'homme résonne, la mîme : Il y avait une fois, là, une femme. Quand elle alla puiser de l'eau, sur la terre, du sang était tombé. Elle le vit, elle le toucha, elle le prit . De ce sang, un bébé est né. Il n'y avait personne et ce sang était tombé. Des flammes commencent à s'élever dans le noir. Soleil était en chemin C'est elle qui le perdit. Et la femme le trouva. C'est ce qu'ils disent.. ou ils disent que.. C'est la femme qui l'a trouvé qui était Soleil. L'enfant était un homme rouge. Il était le fils du Soleil. Tsoya'ha était son nom. Et cela fut ainsi. Et les Yuchees sont sur Terre Mère Des flammes dansent , virevoltantes. Elles masquent puis révèlent, pourpre, dans la nuit, le visage de l'homme-image, muet. Le choeur mixte appelle : TSOYA'HA.. La face de l'homme pivote légèrement, il commence à parler dans une langue gutturale. Sa voix n'est pas celle du mythe. Apparaissent successivement les visages de tout un groupe d'indiens, hommes et femmes, assis autour d'un grand feu. Et la musique du récit -non traduit- de l'Indien n'aura que le craquement des braises et les OOOH de l'assemblÈe comme tout commentaire. Le narrateur s'est tu. Les flammes deviennent lumière du matin. L'Indien sourit. Sa voix: Je suis Tsoya'ha, fils du soleil, Adam du peuple Yuchee 5. Et l'histoire.. Le visage de la femme blanche dans la même lumière matinale. Une voix féminine -la sienne - : Je suis Médée, petite fille du Soleil, fille de la nuit, la barbare d'après le meurtre de mes fils, d'après la trahison de Jason, ce mâle si blanc. Elle sourit. Elle s'allonge sur le divan défoncé grenat au milieu du salon chaos où dans les rayons d'un soleil naissant de nombreux corps de dormeurs indiens reposent, oiseaux épars . Elle dort Le troisième jour Des cris d'enfants survoltés à l'extérieur. Médée, se redressant, esquisse un geste de surprise à la vue de tous ces ronfleurs impavides. Les voix enfantines se rapprochent. Médée, féline, enjambe quelques corps et se glisse vers une fenêtre pour, au travers de la vitre, tomber nez à museau avec son âne nain rouge. Ce dernier, affublé d'une parure de plumes, un petit indien rigolard bien installé sur son dos, semble l'interroger du regard, perplexe. Elle éclate de rire et, contournant d'autres bienheureux ronfleurs, sort d'une petite maison de bois blanc défraîchi cernée d'une pelouse brûlée devenue parking de pick-up trucks et vieilles américaines défoncées dont, solitaire et incongrue, une DS, coupé décapotable, resplendissant de toute sa blancheur. Onos, l'âne nain rouge, entouré, paré, submergé par une dizaine de garçons et fillettes indiens, se tourne vers elle et la salue d'un viril braiment . Toute la marmaille, enthousiaste, l'imite. Médée, à ses côtés, solidaire, lui caresse l'encolure. Un enfant, la fixant attentivement, sans un mot, défait de son gilet une broche en forme de cercle à quatre rayons noir, blanc, jaune et rouge et la pose successivement sur la peau blanche, la robe noire, les cheveux d'or et les lèvres vermillon de Médée. Ses petits camarades applaudissent l'impertinent. Médée souriante, en signe de remerciement, prend ses deux mains et la broche dans les siennes, puis entraîne tout le groupe à l'écart de la maison sous un grand arbre . Une lumière du couchant nimbe les dormeurs. Dans un soupir une indienne se réveille et, vivement, comme aux aguets, bondit vers la fenêtre où elle se fige à la vue d'un étrange petit théâtre de verdure. Sous le grand chêne, les enfants, assis en demi-cercle, regardent, dans la seule musique des grillons, Onos qui, de son plus beau profil, est devenu castelet de marionnette ; cachée derrière lui, Médée, de ses mains agiles, fait courir, de sa crinière à sa croupe, toute une mythologie en figurines magiques : comme phosphorescents un bélier ailé à la toison d'or se moque de son ange gardien dragon, un homme-soleil tire sa révérence à un homme-lune. Le son nostalgique d'un petit orgue de barbarie Deux figurines -enfants chutent de l'âne et, se fichent en terre, têtes bêches, en fils morts. Médée rejoue le drame de son histoire. Hurlements de l'indienne Frénétique, elle réveille tous les corps et se précipite dehors. Tous les pick-up et voitures chargés d'enfants et d'adultes quittent le terre-plein sous un ciel de drame ocre. Seules, les silhouettes d'Onos, Médée, Tsoaya'ha et du chien Dingo restent, immobiles . Les mains de Médée ouvre le coffre de la DS. Puis une grosse valise de cuir blanc. Elles en sortent une paire d'ailes d'ange en plumes d'oie blanche qu'elles offrent alors cérémonieusement à Tsoya'ha. Hésitant, il les manipule maladroitement avant, doucement, d'en coiffer sa tête, hilare. Tsoya'ha ainsi paré esquisse trois pas de danse puis d'un saut alerte enfourche Onos qui, dans sa surprise, se lance braillant au trot . Tsoya'ha, dont les longues jambes heurtent le sol, se trouve contraint à de burlesques enjambées rythmées par l'affolement de son étrange parure. Le gai aboiement du Dingo les accompagne dans cette sarabande insolite pour soleil couchant. Irruption du visage ébérlué d'un shériff dont la voiture de patrouille vient de piler . S'éloignant, brinquebalesque silhouette, Tsoya'ha le salue. La lune s'est levée, immense. Vacarme des insectes. Un oeil-cigale s'enfonce dans les herbes à travers quelques paysages d'avant l'humanité. Le clapotement d'une écrevisse prenant le frais. Un crapaud baille. Un hibou s'étonne. Un coyote hume la nuit. Un lapin, de toutes ses oreilles agiles, écoute. La main de Médée allume une bougie blanche qu'elle lève vers le visage de Tsoya'ha jusqu'à, de sa flamme, l'effleurer, le façonner, le sculpter telle la fille d'un potier grec qui, de l'ombre de l'aimé, fit la premiËre image. . Celui-ci, le regard fixe, n'a pas bronché. La voix susurre "You.." Médée retire la flamme en arrière "She" Puis d'avant "You" en arrière "She" fait de même basculer l'ombre de sa tête qui se dessine sur le vieux mur de bois blanc. "You.. She.". Elle s'immobilise, alors l'ombre de sa main à l'index pointé caresse le contour de celle de Tsoya'ha. "You.. See..." Un halo de lumière jaune les efface. Une lampe à pétrole levée à hauteur de visage et portée par une main brune éclaire, inquisitrice, celui de Médée. La voix toujours : "Vous.. deviez venir.." La lampe révèle le visage de l'homme-lune, sans lune. La lumière se fait jour. Il sourit. La voix : Je suis Sink , l'homme-lune aux pensées d'encre somnambulique aux mots hermaphrodites. Je suis celui qui appelle.. La lumière se fait nuit. Il porte à nouveau la lampe à ses yeux puis d'un geste l'invite Sink : Toi.. Suis moi. You.. See me Glissement dans la nuit de l'herbe à la suite de leurs pas Fantômes de grenouilles bondissantes, Reflets de lune dans la rosée sous leurs pieds nus tels l'écume des vagues. Tout un tohu-bohu de foisonnante nature humaine et inhumaine. Sink: L'araignée en offrande prie la lune globulaire et obscure sa voix fragile gratte les arbres Au loin Le rêve d'empreintes de pouces d'un verre givré. De vieilles gorges dans les tourbillons de l'âge sondent l'eau. Des bouts de doigts durcis dans le sommeil, courbent le coquetier de lune. Des oiseaux noirs graisseux picotent l'air avec des becs emmiellés laissant des trous. Envol dans de sourds battements de formes indistinctes. Effroi de l'obscur. Voix de Médée : Je vous implore, foule des ombres silencieuses et vous dieux infernaux et toi sombre chaos et toi A l'horizon mouvant de l'herbe océane une petite cabane apparaît sous la lune. Une bougie brille à sa fenêtre. obscure demeure du dieu Pluton et vous âmes enchaînées aux rives du Tartare dans l'affreuse caverne de la mort libérez vous de vos supplices pour accourir à cet hymen d'un genre nouveau. Dans le vacillement de la lampe, deux orteils sont sur un perron de bois . L'un blanc féminin, l'autre brun masculin. La troisième nuit, maison de Sink Ils s'avancent. La camera-cigale s'envole alors dans le halo virevoltant sur tout un alphabet visuel premier : inventaire de couleurs, terres, pigments, herbes, pétales, plumes, écorces et fragments, liquides en tous genres, matières primordiales de signes à venir , de nuages et de paysages de sang et de sperme, encres de l'artiste Sink: Plateaux en sommeil des fantômes écornent les antéfixes et silencieusement salent la mer. Somnanbuliques encres le sperme pressé contre les ombres pressé contre la fenÍtre de la nuit . Un doigt brun tremblant caresse cet univers La chair s'annonce elle-même main dans l'aile aile de la langue Et la camera- cigale dans un dernier tournoiement s'en retourne à son herbe que la lumiËre naissante fait verdoyer. Galets gris moussus leurs lèvres figées couvent dans la gourde comme une araignée retourne au brouillard le brouillard retourne à la terre et la terre retourne au chant. Le rythme de leurs pieds nus dans la rosée croisant coccinelles, escargots et scorpions Médée: Pour toi, selon l'usage de ma race, J'ai libéré ma chevelure, J'ai parcouru de mes pieds nus les bois mystérieux, j'ai fait tomber la pluie des nuages sans eaux, j'ai refoulé les mers jusque dans leurs profondeurs, et l'océan a ravalé ses puissantes vagues, car j'ai fait plier les marées. Le firmament dont j'ai bouleversé les lois a vu en même temps le soleil et les étoiles. Un orteil brun s'arrête juste devant un scarabée d'or. Deux doigts le prennent délicatement. Ils le déposent sur un petit triangle de perles brodées, Pubis d'or, Soleil levant. Et les offrent doucement à la paume blanche de Médée. 6. DS L'aube pointe sur la calanque de la DS qui, vrombissante, se soulève. Le quatriËme jour é Tsoya'ha, côté passager, bascule son buste par dessus la portière, pour mieux observer fasciné cette magie Médée, au volant, sourit. Sink bat de la main sur la carrosserie pendant qu' Onos, comme lui à l'arriËre, donne le rythme de ses oreilles. Tsoya'ha, redressé, se penche vers Médée et, la saisissant dans un geste virtuose la fait basculer vers lui pour prendre sa place de conductrice. La DS démarre escortée par le Dingo aboyant de connivence. Dans le grand calme du petit matin, elle glisse dans une carte postale d'Amérique profonde encore endormie : maisons, pelouses, voitures, bannières étoilées, tout est bien là mais un peu défraîchi, déglingué, mité.. mémoire jaunie d'un âge d'or. Tsoya'ha met une cassette son dans le lecteur du tableau de bord. Une mélopée indienne traditionnelle et la voix de Jonh Trudell : We were 18 We were born in a middle of a Babylone dream hey man, hey woman she was a beautiful woman he loved her full she became his last stand he was a cow-boy she was an indian.. Médée a un petit rire qui se suspend à la vue dans le rétroviseur du gyrophare d'une voiture de police. Tsoya'ha, impassible, s'arrête sur le bas côte, éteint le moteur et pose ses deux mains bien en vue sur le volant. La DS, dans une grande expiration, s'affaisse. Un shériff, colt en bandouliËre, gaine ouverte, arrive à sa hauteur : c'est l'homme de patrouille qui l'avait vu ailé. Onos semble le dévisager avec intérêt. Sink baille. Perplexe l'officier s'exclame : Nice car, Adam ! Mais quel cirque nous joues tu ? Allez, papiers ! Stoïque, Tsoya'ha, d'un petit geste emprunté, tend sa main à Médée. Les passagers de la DS n'ont pas bronché. L'officier sort de son véhicule et revient vers eux papiers en main. Voix d'un commentateur à la radio : Comme se le demande le président Bush, pourquoi ne nous aime-t-on pas ? ricanements de Tsoya'ha et Sink Le journaliste Watterson écrivait en 1896 Nous sommes une grande république Impériale destinée à avoir une influence déterminante sur l'humanité et à façonner l'avenir du monde comme aucune autre nation, y compris l'empire romain, ne l'a jamais fait. L'ombre de l'officier couvre entièrement Tsoya'ha et Médée. Sa main, avec les papiers, se tend, par dessus l'indien. Tsoya'ha: Ôte toi de mon Soleil ! L'ombre se retire. D'une claque sur la portiËre, le policier conclut : Ok, m'am, tout est en règle Mais faîtes attention avec votre drôle d'équipage.. ici, on n'aime pas trop les.. (temps de rÈflexion).. les.. " aliens ". Sa main ferme la gaine de son colt. Il s'est retourné. La DS démarre. Vue d'oiseau de ce coeur banal de l'empire La voix du commentateur : M. Zbigniew Brezinski, tout récemment : L'objectif de l'Amérique doit être de maintenir nos vassaux dans un état de dépendance, d'assurer la solidarité et la protection de nos tributaires et de prévenir l'unification des barbares. La DS s'est perdue sous les arbres. Une guitare hawaïenne, voix de Trudell : I tell you what happened.. 7. Cérémonie Dans le nuit, la DS suit un pick-up, éclairant tout un groupe d'enfants indiens assis sur sa plate forme. En route pour Kellyville, Oklahoma La DS s'engage sur l'aire d'une station service. Plusieurs pick-up entourés de nombreux indiens, jeunes et vieux, y sont stationnés. A la vue de la DS qui vient de stopper devant l'une des pompes, c'est l'attroupement. Tsoya'ha et Sink claquent, en riant, de nombreuses mains sous le regard complice de Médée. Les enfants, fascinés par Onos, s'installent en grappe autour de lui. Tsoya'ha essaie de calmer leur enthousiasme. Quelques blancs, observent intrigués la scène à distance. Une fois le plein fait, tous les véhicules dÈmarrent ensemble. Faisceaux de phares déchirant l'obscurité dans les soubresauts d'une mauvaise piste. Le convoi de véhicules traverse de hautes herbes. Une forte montée. L'arrivée, au sommet d'une colline boisée, sur une vaste clairière illuminée par un très grand feu en son centre. Des dizaines de pick-up sont garés en un immense cercle où s'imbriquent auvents de toiles et de branches, tables et bancs. C'est tout un camp très animé où chaque groupe autour de son foyer mange. Une longue colonne de danseurs sautillant lentement pénètre sur le terrain de cérémonie en une grande ronde. Autour d'un énorme tambour, huit hommes l' accompagnent dans la stridence de leur chant et le rythme de leur maillet de peaux. Médée s'est approchée d'eux. Certains hommes portent des chemises bariolées avec de grands chapeaux ornés de plumes, des femmes arborent d'amples robes aux couleurs vives et de très sonores coquillages grelots attachés aux chevilles. Beaucoup sont simplement en T-shirts et jeans. Tsoya'ha et Sink se sont joints au cercle. Médée s'assied et les observe. Onos passe devant elle escorté d'une nuée d'enfants. Le feu se fait plus fort dessinant les silhouettes sombres dansant toujours dans une même scansion lancinante. Parfois les visages de Tsoya'ha et Sink surgissent . Alors, à travers les flammes, le visage de ce dernier s'immobilise. Il dit : Elle souille sa face dans de splendides brassées d'herbes d'hiver et des fientes d'araignées bleues elles se nichent dans la courbe de son épaule elle sort ses tétons au crépuscule, ils chuchotent comme des étourneaux à l'oreille de sa lune . Cela coule comme l'encre dans l'ombre de sa cicatrice en bas comme les sous sols et les pouces, enfouis dans sa chair. Les marionnettes du bélier ailé et du dragon s'animent de lumières intèrieures.. Elles se mêlent aux danseurs. Elles irradient parmi les flammes, nouveaux esprits. C'est un tatouage de la naissance en négatif et les voix de langues vierges comptent ses nervures d'abaques comme des arbres qui tombent et poumons qui implosent Surgissent l'homme-soleil et l'homme lune.. Elle est un voyage de murmures Dans son sang familier une rivière de bouches anciennes avalant les chants de centaines de coeurs tourbillon d'un arc de lumière fracassée, respirant l'air noir d 'étoupe et de glaise, réfléchi comme langue du ciel et grondements d'âpres palais, éclats ouverts comme la pluie. Et ce ballet de corps d'ombre et de corps de lumière, léchés, célébrés par les flammes se dissoudront dans l'or du grand Soleil naissant . Les chants comme les grenouilles se taisent, les danseurs se séparent lentement. Onos, seul, se couche prés de Médée. Une femme s'assied aussi à ses côtés. (l'indienne furibonde du théâtre de marionnettes) Elle offre son visage serein aux spectateurs. Une voix la nomme (la sienne) Juanita Crossig Killer Suivent une trentaine de portraits de vieux et jeunes Yuchees qui chacun se présentent. Wena Meatsake Nena White Crow Nita White Thunder Morgan Mope Acee Cutting White Head Terrible Woman.. 8. Duel Médée et Tsoya'ha, cheveux au vent dans le petit matin, seuls, roulent sur une petite route traversant des champs clôturés de troncs blancs où quelques vaches se frottent. Montrant une cassette en souriant, Médée l'engage dans le lecteur. Des sifflements de bergers résonnent et se répondent. Le cinquième jour Les bovins semblent tendre l'oreille . Ils rient. Passant devant un pré où une jument et son poulain jouent, Tsoya'ha ralentit songeur puis arrête la DS. Les appels des bergers se perpétuent. Plusieurs autres chevaux s'approchent. Tsoya'ha accoudé à la clôture siffle puissamment. Un beau mustang s'avance jusqu'à lui. Tsoya'ha rit et lui caresse les naseaux. Il le guide alors jusqu'à une barrière qu'il ouvre et, l'ayant fait sortir, d'un coup de rein, à cru, le monte. Médée surprise s'exclame. Tsoya'ha dans une exultation toute enfantine cabre sa monture et, après un signe à Médée, la lance au triple galop dans un chemin de traverse. Un nuage de poussière rouge les a déjà noyé. Médée, s'emparant du volant de la DS, la fait rugir et monter, monter (enclenchement de la position tout terrain) tel un étalon rival. Dans un crissement de pneus, elle est à sa poursuite . Une violente et sourde respiration d'hommes à l'unisson s'élévent de la DS, hymne à la chasse. Tsoya'ha s'est retourné hilare, il redouble le galop Et s'engage alors brusquement dans des hautes herbes. Sans hésiter, Médée, telle une conductrice de char, lance son cabriolet à leur suite. Un vallon, une petite rivière. Le cavalier la franchit dans une grande gerbe. Médée et sa DS, indomptables, dans une énorme vague l'ont déjà passée. Ecumant le mustang faiblit. Tsoya'ha l'encourage mais L'animal se met au pas et s'arrête doucement à la croisée de deux chemins où, solitaire, un panneau indique : Gypsi, Oklahoma. La DS pile à leurs côtés dans un flot de poussière rouge. Le halètement barbare à son paroxysme. Tsoya'ha, pied à terre, pose sa main sur la calanque boueuse de la DS en signe de respect. Médée rayonnante, telle une héroïne excitée par la victoire, bondit sur le capot et, pieds nus sur le métal brûlant, ses bras levés, paumes offertes au Soleil, sa chevelure déployée, entame une danse du ventre possédée. Tsoya'ha, deux pas en arrière, est muet, interdit. Le mustang la fixe aussi maâhouillant quelques brins d'herbe. Leur passivité semble redoubler l'ardeur des halètements mâles de MÈdÈe qui, se dénudant, ondule telle une déesse en transe. Lentement, Tsoya'ha recule avec le mustang. Ils disparaissent dans les fourrés. Médée s'est figée. Sifflement de la DS qui s'affaisse. Médée, lentement s'agenouille puis se couche sur le capot. L'expiration de la voiture la fait glisser. Elle est tombée sur la terre rouge devant la DS blanche et silencieuse. Elles sont deux tâches blanches au coeur de ce paysage de nulle part. 9. Errance Une carte routière. L'index de MÈdÈe suit la ligne rouge de la route 66 . Médée : Tulsa.. Sapulpa.. Bristow.. Ah.. la 48, oui.. mais après ? Newgy ? Tuskegee ? Et bien sšr, pas de Gypsi, Oklahoma ! Musique country Nuage de poussière blanche . La DS quitte une piste et s'arrête devant une ferme délabrée où un homme est assis sous la véranda. Médée sort de la voiture, carte à la main, et se dirige vers un vieux blanc en salopette, pipe en bouche. Elle le salue. Excusez moi, je me suis un peu perdue, Je cherche un camp de cérémonie Yuchi. Yuchee ? -bougonne le vieux- Mais cela fait trËs longtemps qu'ils sont partis. Partis ?.. -s'étonne Médée- Mais j'étais avec eux cette nuit Otant sa pipe, fronçant des sourcils, l'homme, lentement lâche : Well, m'am, je ne sais pas d'où vous venez avec votre drôle de voiture et d'accent.. Mais moi je sais que depuis que je suis né ici et qu'y est né mon pËre.. il n'y a jamais eu de Yuchees.. Partis ! Disparus ! Et sur ces mots, abruptement, il se lève et rentre chez lui. La DS roule sur la 66 direction Ouest. Une série de panneaux de signalisation se succèdent. Chandler. Ici s'est lancé le grand rush des pionniers de 1889. Luther. Ici commençait l'ancien territoire de la nation Sac'N'Fox Arcadie. Ici commençait l'ancien territoire de la nation Kickapoo. La DS s'engage sur l'aire d'une station service ornée d'un néon " Arcadia 66 ". Médée pénètre dans la boutique qui s'avère aussi drugstore avec des rayonnages regorgeant de bibeloteries indiennes. La caméra-mémoire glisse sur toute une rangée de poupées aux nattes noires sagement couchées sous cellophane dans leur boîte sarcophage. Une voix nasillarde: Yuchee ? Vous savez. Quand je vois des Indiens.. ils sont ..indiens.. c'est tout. Mais vous avec votre accent vous êtes d'où ? La DS vient de passer sous un grand indicateur vert : Pour Oklahoma-city tournez à droite. Le soleil est au zénith.érique indique 100°ƒ avec 99% d'humiditÈ. Down-Town, dans la fournaise, est totalement déserte. Seuls, entre les gratte-ciels, quelques noirs et indiens se traînent très lentement sans but apparent. Ruisselante, s'humectant les lèvres, l'avant bras sur le volant, Médée a le regard vague. Quelques accords, Voix de Trudell : Message on the wall.. Something have to change.. La DS accélère brusquement, s'éloignant de ce centre mort. Something have to change La DS passe très lentement devant le mémorial de l'attentat qui a détruit un bâtiment fédéral faisant 150 morts en 1995. Un autre air de Trudell : What happens when you are alone But you ar'nt alone La DS s'est garée sur l'immense parking d'un centre Commercial. Médée marche vivement dans une galerie marchande aux décors rococos et à la musique sirupeuse sous les yeux étonnés d'une population semi-éléphantesque déambulant lourdement. Prise d'un haut le coeur, elle sort. Elle roule vite, le vent dans les cheveux, elle accompagne d'un battement de sa main sur le volant l'air de Trudell. You know what you are doing But you don't Your soul, your tears, Your private journey.. What you have done you'll never do again Une voiture de police au loin . Elle ralentit en grimaÁant. Un shériff, toujours le même, la croise en la fixant longuement. Elle lui fait un petit signe. Au sommet d'un mât, un coeur rouge de la chaîne LOVE juste suivi de l' enseigne Family Dollar. Etrange atmosphère de quelques rues entièrement vides, magasins, immeubles et maisons abandonnés aux devantures et fenêtres obstruées de contre-plaqués, immédiatement suivies de prospères pelouses et country club. A un carrefour, un groupe de blancs, assis sur le trottoir, harmonium et amplificateur en marche, appelle à louer Dieu dans le crépuscule. Mauves du ciel et des lampadaires. Médée porte à ses lèvres, une boîte de coca. Vide. La DS stoppe devant le néon Budweiser d'un petit bar. Poussant les deux battants de sa porte, Médée est aussitôt prise d'un quinte de toux : l'atmosphère très enfummée et sombre d'une salle où les lumières du bar et des tables de billard ne sont plus que halos. Un grand silence s'est fait. Tous les regards se sonésolument Vers le comptoir . Une voix s'exclame railleuse : Tiens, encore une de la race des cons dentés ! Rires lourds. Comme si de rien n'était, Médée demande une bière au tenancier, immense et inquiétant. Ce dernier, sans une expression, fait glisser en sa direction sur le zinc une bouteille et un verre qui passent devant un vieil indien déjà bien éméché. Le poivrot, pîteux, interpelle Médée qui s'est saisie de sa commande. Hey ! M'am.. J'ai juste une petite soif Si vous m'en payez une, j'ai pour vous une bonne histoire ! Il agite alors un collier de grosses dents d'animaux qu'il porte autour du cou. Toute la salle s'esclaffe. Médée, amusée, fait un signe au barman. Une bouteille glisse. Très vif, le futur conteur s'en est aussitôt emparée. Merci ! M'am.. Il lui fait un clin d'oeil en touchant son collier. Vous savez comment je l'ai eu ? Les rires redoublent. MÈéée, joueuse : C'est l'histoire, non ? Mais j'aimerais l'essayer.. Elle a déjà tendu la main. Interloqué, gêné, le vieil homme lentement s'en défait Et le lui donne. Murmures sarcastiques dans la salle . De ses doigts, elle palpe longuement les crocs Woaoh ! Un bien beau coyote ! Pas vrai ? L'indien d'un ton malicieux Heu.. non.. M'am.. C'est au contraire le Coyote qui.. Les gloussements qui ont repris s'interrompent brusquement. Médée vient de placer le collier ý la hauteur de son sexe. Allons, cela fait bien longtemps que les poules n'ont plus de dents. Toute l'assistance est bouche bée Pris d'un tremblement, l'indien lève sa paume et la claque sur celle de Médée qui a bien anticipé. Tout le bar hurle de rire. Les phares de la DS illuminent la façade de la maison de Tsoya'ha plongée dans le noir. Onos et le Dingo, sagement, l'attendaient.. 10. Chair des Dieux Le salon chaos avec son divan radeau où, sous une lampe allumée, Médée dort abandonnée comme, à ses pieds, l'âne et le chien. Des phares. Un moteur qui s'éteind. La porte grince, une silhouette à chapeau s'avance. . La DS roule dans la nuit. Tsoya'ha au volant, Médée à ses côtés, Sink, Onos et le Dingo derrière. Musique de Trudell : Why why why ? This happening to her She is not guilty She needs to bloom Oh Lord oh Jesus What is she doing to do it now ? Les phares dans les trous d'un chemin défoncé. Un mur d'herbes jaunes, immense. A l'intérieur d'une sorte d'igloo fait de peaux et de branchages -un sweat lodge- , dans une vapeur dense, en nage, Médée, Tsoya'ha et Sink en compagnie de trois autres indiens, halètent. L'un des hommes jette une louche d'eau sur un foyer de braises ardentes . Un nuage les absorbe. Ils sont en T-shirts, ruisselants. Leurs respirations sont lourdes, sifflantes. Les hommes psalmodient de leur voix guturale, doucement. Médée, dans une suffocation, s'agrippe au bras de Tsoya'ha en le pinçant jusqu'au sang . Il la saisit à plein corps et, la soulevant, s'extrait violemment du lodge . Respirant profondément, Tsoya'ha tient Médée dans ses bras, debout sous la lune, le regard vers le lointain. Médée, le souffle régulier, apaisée, le contemple en silence. Seuls, les craquements d'un grand feu et les jappements de quelques coyotes. Dans une ravine ocre, ils sont une dizaine assis en cercle autour du foyer. Ils se passent un pot de terre cuite où, tour à tour, ils plongent une louche qu'ils portent à leurs lèvres : le peyotl. Chaque gorgée arrache une grimace rougeoyante . Des éclairs dessinent le ciel. Onos passe. L'un d'entre eux se lève précipitamment. Spasmes de vomissements. Leurs corps deviennent des silhouettes qui s'allongent, se déforment . Les marionnettes homme-soleil et homme-lune, telles de vives lucioles se réveillent. L'homme-soleil semble prendre la direction des flammes, les faisant danser du bout de ses doigts. L'homme-lune semble commander aux ombres qu'il manie, forme ou dissout, à sa guise. Chorégraphie de lumières et d'ombres qui se jouent les unes des autres, illogiques, diaboliques dans une arche pleine de créatures improbables. Voix de Sink: Elle est géniale et pourpre dans la mort et imite de ses mains de fumée et d'os en poudre et joue la caillot contre la montre. Cligne de sa paupière de chaise à bascule, poussière grinçante et lave la blanche racine amère, emmêlée autour de son poignet parfumé de crasses moites Le visage de Tsoya'ha enluminé d'un soleil jaune se lève. Celui de Sink en demi-lune le suit. Alors, la face d'une indienne surgit illuminée d'un soleil de sang, c'est la furibonde, Juanita Crossing Killer, la femme-Soleil. Cette grave trinité, telle un songe, s'estompe. Les fantômes d'Onos et de nombreux enfants passent et repassent dans une sarabande incessante. Elle se rappelle son enfance, marchant à reculons sur des cercueils d'ardoises grises dans un hiver lointain et les muqueuses en écharpe au bout des doigts dans une ombre antique . Quel était le nom du premier qui tomba ? Etait-ce " calamar de nuit " ou " coquillage en rêve " ? Un retentissant braiment d'Onos dissipe soudainement toutes ces nuÈés. Sous un immense ciel turquoise, sur une immense terre ocre, telles des figurines de Malevitch, les silhouettes d'Onos trottinant et d'une foule d'enfants, virevoltants, le suivant, s'avancent inexorablement vers une immense cicatrice sombre . Elle est souvent un canyon qui pleure et coupe l'oeil et laisse une blessure rouge, profonde comme une viande tranchée muscle mis à nu et collines sèches, couvertes de côtes de chevaux, sauge pâle et bleue le ciel est couché sur le ventre et regarde L'âne chante de tous ses braiments. Les enfants, en farandole, ne se détachent pas de lui. La caméra volante s'approche ainsi que la cicatrice qui s'avère faille, précipice. Onos, comme les petits indiens, de plus en plus allègres, vont droit au précipice. Son corps d'eau en globes noircis Et saules, poussières de gousses prés de la barrière geignarde où peaux et plumes deviennent fétides avec les vents bouillants, avec l'éther Une bouche, énorme, ouverte, hurle Voix de Médée NON ! ONOS ! NON ! Dix Èclairs simultanés incendient un paysage où tout s'est figé. Tout vire au blanc. Une libellule bleue s'échappe de sa bouche et des abeilles collent son oreille olivesque La main de Tsoya'ha serre très fort le poignet de Médée en signe de reconnaissance. Tsoya'ha se redresse, Médée dort, sereine, sur de l'herbe. Tsoya'ha la recouvre alors très délicatement d'une très étrange peau : une peau de DS.. 11. Marcheurs de beauté Un horizon parfaitement plat dans la lumière du levant où sept Cadillacs plantées à la verticale telles des jouets lâchés par une main divine facétieuse, attendent, monolithes déjà rouillés, leur fin d'après la chute. Le sixième jour, Bushland, Texas, Dans cette épure géométrique, Une station service où la DS est arrêtee. Tsoya'ha délaisse un poste de téléphone public. Médée est au volant, Onos à l'arrière. Tsoya'ha monte dans la voiture et tend à Médée une photo. Celle de deux adolescents indiens souriants. Tsoya'ha: Mes fils.. En prison depuis plusieurs mois pour une sale histoire.. Un de leurs copains blancs, armé, a tué sous leurs yeux. On les accuse de complicité. Je dois trouver de l'argent pour le procés En route ! La DS s'engage sur l'interstate 40 direction ouest. Elle n'est plus qu'un point blanc sur une ligne noire tranchant un monochrome jaune chaume sous un bleu aussi uniforme. Psalmodie indienne + voix de Trudell Like an electric indian doing his John Wayne.. Quelques éclairs au loin sur des montagnes. La beauté sauvage d'un paysage de roches et de maquis. Un carrefour signale une route pour déchets nucléaires strictement interdite d'accés. La DS passe sous un panneau vert : Santa Fe, Nouveau Mexique. Musique de Trudell : Rich man's war, industrial street Free man society, nuclear man Central america bleeding and Palestine The poors starving for food for real Riche man's war, attacking you tomorrow Human's lies Industrial priest.. La DS se gare devant un hangar industriel où trainent quelques étallique, tel une enseigne ironique, au sommet d'un immense poteau. Une sorte de tank uniquement constitué de gros seins en acier. Tsoya'ha s'est déjà engagé dans le bâtiment ouvert Médée, intriguée, va tâter le curieux véhicule blindé. Un homme en train de souder s'interrompt et, levant la visière de son masque, -c'est un indien- ravi s'avance vers son visiteur à qui il assène une grande clésente Médée u sculpteur qui, à la vue d'Onos, s'esclaffe Mais c'est une de mes oeuvres !.. Vivante ! Ils rient. Pendant que les deux hommes entament une conversation , Médée, curieuse, s'installe dans un énorme rocking chair de fer orné de petits avions découpés. Tsoya'ha et l'indien se sont rapprochés. Médée invite tsoya'ha à y prendre place. Il commence à se balancer impavide. En chair et en acier, il est l'image de l'écran de la tour Montparnasse dans sa balance inexorable. L'indien: Tsoyaha a toujours aimé ma chaise nucléaire.. un oeil-aigle dans une aspiration verticale le long d'une paroi de roche noire. Jusqu'à son sommet acéré. Une pyramide de lave figée au milieu d'un désert plat et nu. Tse Be Dah, Rock with wings, territoire navajo, NM La DS, minuscule, passe à son pied. Musique de Trudell ; No more than neon flash We have to face what we realy are In some point we have no choice Distant stars, distant lights In real world we are human being In shadow of real world We were being human La DS s'arrÍêe devant une maison isolee. Le pic est toujours à l'horizon. Tsoya'ha descend. Une femme apparaît à la porte. Ils se saluent, échangent quelques mots. Tsoya'ha revient. La DS dÈmarre. Tsoya'ha conduit. Médée se retourne, ayant contemplé le rocher ailé qui s'éloigne derriËre eux entre les oreilles d'Onos. Ttsoya'ha : Nous trouverons Larry au conseil tribal navajo à Window Rock.. L'un de ses fils est emprisonné avec les miens.. Peut-être la nation navajo nous aidera-t-elle.. Le paysage est toujours aussi désertique et majestueux Voix de Trudell : Distant thunder, distant cloud A patient rain What we take is hard to do What we do is hard to take Dreaming some kind of life We said it could be different But it was'nt La DS a ralenti. Tsoya'ha interrompt la cassette. Il s'arrête à la haête, une bouteille de vin vide à la main. Tsoya'ha descend, s'accroupit à ses côtés Tsoya'ha : Hey brother.. Are you OK ? L'autre maugrée en navajo Médée aide alors Tsoya'ha à l'installer sur la banquette avec Onos. L'indien à demi assoupi se laisse faire. La DS est repartie. Soudain le navajo s'agite et hurle effrayé What 's that ? ! ! Onos vient de lui lécher le visage . Tsoya'ha et Médée éclatent de rire . Tsoya'ha : Don't worry, brother ! Tu as juste un peu trop bu ! La voix de Trudell : Something start good and will be bad Something start bad and stay bad Living a liar or not living at all.. La DS pénètre dans une petite cité de bâtiments préfabriqués: LukachukaÔ, mine d'uranium. Ils stoppent devant une façade où s'étale immense Union des mineurs Navajo Sur la vitrine, une affiche est placardée avec pour titre : Droits des contaminés Le navajo les remercie, tape en rigolant sur l'encolure d'Onos Dis donc ! Quelle cuite ! Il rentre dans le local. La DS roule toujours avec la beauté -expression navajo- Tsoya'ha : Le vin pas cher.. Quand j'avais 15 ans Avec des copains on allait tous les Samedi soirs boire en cachette à la sortie de Bristow dans un petit canyon Regard interrogatif de Médée Il sourit, ironique Oh même les petits indiens.. peuvent s'emmerder.. Un cheval au triple galop se dirige vers eux dans un grand nuage de poussière rouge . Il est monté par deux gamins hilares. La DS a ralenti, elle s'arrête. Les deux petits navajos, trËs excités par la DS et Onos, sont déjà en train de palper ce dernier . Leur mustang, blanc tacheté de brun, semble dubitatif devant ce cousin rouge. Tsoya'ha caresse son encolure et d'un coup de rein l'enfourche à cru. Le mustang se cabre. Les enfants rient. Tsoya'ha lui fait faire une volte-face. Tsoya'ha tend sa main. Médée l'a déjà empoigné. Elle se retrouve en amazone agrippée à lui. Ils sont au loin, abandonnant la DS, Onos et ses gardiens. L'oeil-aigle descend lentement sur deux pitons de roche écarlate dans un ciel cobalt. Médée et Tsoya'ha sont dans une nacelle de grande roue qui rejoint doucement le tourbillon mécanique de dizaines d'attractions foraines. Ils mettent alors le pied à terre et s'enfoncent au milieu d'une énorme foule totalement indienne Les cris des corps virevoltant dans les airs se mêlent aux battements sourds et chants stridents des danses traditionnelles, aux haut-parleurs nasillards commentant les rodéos et les différents concours de savoir faire en tous genres : bijoux, tapis, pains fris.. Tout le peuple navajo dans ses plus beaux atours, cous, poitrines, poignets ornés d'énormes colliers et bracelets de turquoises et d'argent, est r"uni pour sa grande foire annuelle. Tsoya'ha et Médée marchent vers une élégante construction en forme de hogan -petite maison traditionnelle navajo- qui abrite le Conseil Tribal. L'horizon n'est qu'une paroi de roche rouge trouée en son milieu d'une énorme ouverture circulaire où l'azur resplendit : Window Rock. Tout un attroupement dont les oreilles d'Onos dépassent s'est fait autour de la DS stationnée devant l'office. Médée prenant par l'avant-bras Tsoya'ha : Pendant que tu vas voir Larry Je vais leur proposer une bonne surprise.. Médée fend la foule et s'installe aux cotés d'Onos Elle fait coulisser verticalement un écran DVD et l'allume. AAAh de l'assistance devant ce gadget. Tsoy'ha d'un pouce levé la félicite en franchissant le perron du Conseil. Alain Cuny, une plume dans une perruque de travers et Serge Reggiani juste vêtu d'un cache sexe, roulent leurs yeux de faux indiens devant un général Custer d'opérette. Silence du public incrédule. Reggiani, grotesque, racle de sa main une écuelle pleine d'une espéce de pâtÈe et s'en barbouille le visage. Les premiers rires fusent. Coups de feu. Catherine Deneuve vient de recevoir une flèche au travers de son cou si fin et blanc. Un Oh très maniéré ponctue sa mort supposée. Enorme rigolade. La foule se tord. Touche pas à la femme blanche, Marco Ferreri |
12. Sunset final Un cavalier indien aux longs cheveux noirs et à la chemise blanche bouffante brandit un tomahawk en hurlant. L'image se fige. Tsoya'ha plus jeune, semble-t-il. Une grande main cuivrée éteint l'écran. Tsoya'ha installé à côté d'Onos lui tapote le museau. La DS file, Médée seule devant, sur une auto-route à six voies . Tsoya'ha à Onos en sifflotant: J'étais pas mal en méchant sauvage, non? Un panneau: Hollywood, next right. L'oeil d'Onos glisse sur les étoiles de stars incrustées sur le trottoir de Sunset Bd . Foule de pieds. Côté droit, côté gauche, il caresse tous ces noms de rêves et sur qui tous marchent allègrement. Baskets, sandales, tongues.. Voix de Sink: Elle fléchit sa cheville, où de petits os chantent un hymne tombal de visages enragés écrasés contre le jour, laissant de mousseux morceau d'écume. Elle est ensevelie avec des braises rugissante dans sa bouche elles sont étoiles et doigts, ondulent à travers les chevelures des arbres, et lissent les cicatrices et blessures avec une flèche de tissu soyeux De tous ces pieds fouleurs de dieux morts, la camÈra-oeil-Onos est remontée sur des corps où, alors, ô surprise, sont vissées des têtes ébahies. Oui, elles le regardent toutes, lui, le cadeau de Zeus Oui, elles n'en reviennent pas de sa monture DS et de ses compagnons sauvages. Oui, dans l'artère même de l'usine à rêve, Au coeur de l'Empire, Ils n'ont d'yeux que pour eux, les envoyés des dieux, animaux trop humains, humains trop animés, les barbares. Elle se souvient le Soleil et les temps où elle a chu de son centre de carbone Etait-elle un diamant éveillÈ en feu et bandé de langues de pluie mordante, exhumé comme corbeau rappelant leur noir graisseux Dans un violent crissement de pneus, une voiture vient de piler à un croisement. Le visage de son conducteur les fixe, ahuri. comme des lieux de sang (quelqu'un gît se décomposant dans le champ, empoisonnÈ sans nous) Un second bruit de freins. Puis un troisiËme. Un choc, un fracas de tôles. Les visages défilent maintenant très vite. La DS a accéléré. Sunset Bd est devenu sinueux. Un autre croisement, deux pik-up se rentrent dedans. Ils sont l'attraction dÈsolation. Ils sont la sauvage anarchie qui dévale le boulevard de l'artifice. Ils en sont les vrais Soleils. Derrière eux, au dernier croisement, plusieurs carcasses sont en feu. Le vacarme des chocs s'amplifie. Passant un rond-point, ils s'arrêtent alors à une station service aux néons crépitantsÝ: Last Sunset. Son pompiste, un géant indien ýàla salopette trop petite, s'est déjà précipité sur eux, enthousiaste au spectacle des voitures qui, attirées immanquablement comme des mouches par l'attrape mouches, bondissant les unes sur les autres, commencent à s'amonceler en un tas brillant. A peine les a-t-il servi, les a-t-il félicité en claquant vigoureusement la croupe de la DS, que, son tuyau toujours en main, Il grimpe comme un fou sur la pompe, sort son briquet, fait jaillir l'essence et, dans une immense et splendide éjaculation de feu , incendie le chaos de ferrailles fraîches. La DS s'est déjà éloignée, droit vers un immense Soleil rouge couchant; Voix de Sink: Elle ne peut revenir Ni rêves sur des mers éveillÈes Ni pouvoir régurgiter les os de ses enfants comme elle le désire, bercer le fémur, la scapula, la colonne vertébrale tordue qui riait tant elle sent leur douceur sur le bout de ses doigts et détourne son visage de nous Et nous ne sommes plus Voix de Médée: C'est pour toi que de ma main sanglante sont tisses ces guirlandes entrelaces C'est pour toi que sur ce gazon sanglant j'offre un sacrifice solennel, pour toi qu'une torche arrache au coeur d'un bûcher funéraire a fait briller ces feux nocturnes A travers les flammes de l'immense brasier, Les silhouettes, cheveux au vent, de Médée et Tsoya'ha, oreilles en sémaphore, d'Onos et de leur coursier DS s'éloignent vers leur Soleil rouge, vers leur origine à tous, la femme-Soleil. Ils s'y sont évaporés. La femme-Soleil est devenue femme-Iris. Iris de sang. Où, en son abîme noir, un reflet se balance en chantant. Un rouge-gorge si rouge dans le balancement de sa cage. Un rouge-gorge magique, Un rouge-gorge magique et mécanique à qui il faudrait juste un petit peu d'huile. Epilogue: Chant du rouge-gorge Le Peuple Yuchee, comme toutes ses tribus soeurs, Peuple millénaire, a été déporté de Géorgie en Oklahoma par le chemin des larmes où la moitié d'entre eux moururent en 1839. Il lui faut aujourd'hui toujours se battre: pour sa reconnaissance officielle comme peuple autonome, pour sa langue, unique, qui disparaît, pour ses lieux de cérémonies, pour être soi-même, libre au coeur de l'Amérique. Ils sont aujourd'hui 2.000, fiers d'être Yuchees comme les 200.000 Navajos et tous leurs frères et soeurs Indiens au coeur de l'Empire. |