< text="#FFFFFF" leftmargin="5" topmargin="5" marginwidth="5" marginheight="5" onLoad="MM_preloadImages('image/htdepage2.gif')" >
 





Portraits d'Humanité, les noms d'Adam

 

"Par le visage humain, l'univers se fait forme plastique; le grouillement de particules prend un sens en se cristallisant en image, en métaphores
initiales à même la sensibilité, en langage original, en un poème primordial"
"Le mouvement de la rencontre humaine est dans le visage même. Le visage est par lui-même visitation et transcendance"

Ces mots d'un philosophe aujourd'hui disparu, Emmanuel Lévinas, j'aime les citer car ils me permettent de me présenter:
portraitiste électronique et arpenteur bien physique.
Vous découvrez un territoire, vous choisissez un lieu, un cadre, une couleur et vous allez vers l'autre, son habitant, pour l'inviter à venir s'y asseoir,
juste 3 secondes, devant votre caméra, juste le temps pour elle, lui, d'offrir son regard à l'objectif.
Mes mots sont choisis: invitation, offrande.
Vous êtes sur le territoire de l'Autre et vous lui demandez d'exposer, de "donner" son lieu le plus personnel, fragile: son visage, son regard.
Et cela marche, elle et il le font, au moins une fois sur trois.. Pourquoi? Bien sûr, vous lui avez dit qu'elle, il, se verra un peu plus tard à la télé,
ou à la mairie ou dans un musée et sur internet dans un grand portrait de famille virtuelle de "son" monde.
Et comme il s'agit d'une vidéo, vous savez que, pour se voir 3 secondes, elle, il, devra d'abord voir les autres, inconnu(e)s, voisin(e)s, ami(e)s, parent(e)s et inconnu(e)s etc..
De plus, il y a un son, un nom, un nouveau nom pour chacun(e) donné par un poète de même langue dans un jeu patronymique..
Du Pont, Du Chemin, De la Langue.. Ré-inscrire chaque être dans la chair de sa langue. L'Homme est nom, les noms d'Adam..
De plus, il y a tous les autres que j'ai déjà portraiturés depuis 15 ans de part le monde: plus de 10.000 fois, un regard, un nom.
Et cela marche. Tout le monde est ravi, des autres, de soi.. Pourquoi?
Depuis l'industrie de la photo, depuis que vous pouvez faire "clic" et ne plus vous préoccuper du reste, depuis.. cela marche, partout..
et depuis le 9mm, le super 8, la vidéo, la flêche du temps s'est faite plus physique: 25 regards par seconde, 3 secondes et puis l'on s'en est allé.
Alors, pourquoi ? Par simple narcissisme et nostalgie? Je crois plutôt du coté de l'épique, de ce chant général que chacun(e) à en lui..
le plaisir d'être plus qu'inanimé.. invitation et offrande.
Son visage, son lieu, son territoire, "son" nom dans "sa" langue, "sa" grande famille virtuelle de notre monde potentiel.
Chaque visage est unique.

Et l'humanité comme dénominateur commun de chacun.
Son en-je(u).
Espace et temps de l'Autre à Moi avec des technologies numériques dont l'immatérialité, l'instantanéité, l'ubiquité peuvent sembler amener
les métamorphoses sinon la dissolution?
Pour les inquiets du grand saut dans le rien, rappelons que les physiciens conçoivent le vide comme un océan de particules virtuelles
qui porte en lui, à l'état potentiel, toutes les naissances.
Le grouillement des particules.
Le poème primordial.

".. s'enflamma un Soleil, un oeil; et il m'extirpa, puis s'envola de moi, abandonnant entre lui et moi une chîne d'éclats: les chambres du Cosmos!
J'ai vécu un état de fusion: à l'intérieur explosa un Soleil, puis il se détacha, s'envola et il projeta sur moi comme une lune morte
- d'antiques mythes, la terre se reconstruira à leur intérieur: c'est là qu'aujourd'hui vit mon "moi".
Je le sais, les temps viendront - (quand? je ne sais)-
Le verbe explosera comme le Soleil - ce ne sera ni ici, ni aujourd'hui.. Ma clairvoyance sera alors adulte, aujourd'hui, elle est un nouveau-né:
comme si je venais à nouveau de naître.
La glace des concepts, des mots, des sens se débaclera et se hérissera du sens multiple.
Ces sens futurs, aujourd'hui, ne sont encore rien pour moi, et tous ceux d'hier sont: coquecigrues..
et dans mes paupières closes il y a l'éclat de l'enfance. Mes souffrances en cendres sont dans cet éclat.."
Visions d'Alexandre Biely en 1915, paraphrasée aujourd'hui par l'astrophysicien Michel Cassé.
"L'oeil est solaire car composé des mêmes atomes que le soleil et de surcroît accordé à sa lumière.
Et le voilà qui voit 5 milliards d'années et puis les naines blanches.."
Le "moi intime" n'est-il que l'oeil d'un ouraggan auto-référentiel? se demande Douglas Hofstadter dans ses "Vues de l'esprit"
comme de nombreux scientifiques contemporains quant à la question de trouver un nouveau consensus sur le sens du mot "Moi".
Du moins, son regard, son visage, unique et qui "n'est" que par celui de l'Autre.

Immémoriale histoire depuis qu'Adam a nommé l'Humanité et qu'il a.. oubliè.

"Mais nous savons" dit le poète Viatcheslav Ivanov, ami de Bièly, "que parvenu à son accomplissement suprême, Adam se souviendra de lui-même,
se revivra tout entier dans sa mémoire, il se rappelera dans chacun de ses visages, remontant le cours investi du temps, jusqu'au seuil de l'Eden.."
L'activité de l'homme, "héritier de la nature", n'est-elle pas un combat pour la transformation du temps et de l'espace de formes de séparation
en formes d'union?
Travail de la mémoire dont le culte est la culture.
La culture recèle un mouvement caché qui nous amène aux sources de la vie, mais pour y parvenir, il faut toujours aller de l'avant, se retourner
ne serait que vaine nostalgie..
La culture serait ce mouvement vers notre "image intérieure", à jamais "invisible".. sinon dans le regard de l'Autre.
Alors Adam se souviendra-t-il, entre autre chose, grâce à l'art électronique planétaire?
Je trouve l'en-je(u) plaisant mais quel travail!
Au boulot, artistes, citoyens, entrepreneurs!

Ce qu'il y a de formidable avec les "Portraits d'Humanité" c'est que les gens ne vous demandent jamais "C'est de l'Art?" et "A quoi ça sert?"
mais plutôt "C'est combien?" et "Où se verra-t-on?". De plus, les outils et moyens nécessaires sont toujours les plus simples et les plus ouverts:
une chaise et la caméra du moment + tous les potentiels de diffusions et de mise en réseaux à venir.. J'avais présenté en 1988 à "inventer 89"
(inventer le bicentenaire de 1789!) avec un ami ingénieur, Jean-Alain Sidi, un projet mondial, français, parisien, de vidéomatons numériques
mis en réseau satellite pour un grand jeu républicain de 10.000 familles tout à fait réalisable -mais à quel prix!- alors qu'internet n'était que texte
et que nous attendons toujours à ce jour une bonne gestion des images animées sur le web -ok, cela ne saurait maintenant tarder-.
Le plaisir de l'arpentage une chaise et une caméra en mains n'est donc en rien contradictoire avec des prospectives de mises en réseaux.
J'ai par exemple le désir actuel d'aller faire des portraits en Palestine tant cette région par toutes ses cultures millénaires m'attire
- Adam n'est pas loin! - mais aussi tant la situation des Palestinien(ne)s physiquement coincé(e)s, humilié(e)s dans leurs enclaves "autonomes"
et à Jérusalem-Est est consternante. Alors au moins, y aller et que le portrait-vidéo d'une grande famille, généreuse bien que meurtrie, se fasse
et circule physiquement - les cassettes - et électroniquement - TV locales, internet - entre ses membres contraints et contris.
Qu'au moins, elles, ils, puissent se "voir", chacun(e) de cette terre où poussera, je l'espère, ce que j'appelle un "arbre à méditations numériques"
qui, dans un réseau d'urbanités (exquises!) Sud/Nord, parlera avec "l'Arbre" de la Vallée des terres Blanches et puis d'autres encore de par le monde.
Mais, il faut que j'en touche 2 mots à l'artiste/citoyen/entrepreneur Pierre Bongiovanni.

Pierre Lobstein, Mai 1997. Contribution au séminaire -l'artiste, le citoyen, l'entrepreneur- organisé par le CICV Montbéliard/Belfort pendant
le festival de la Vallée des Terres Blanches. Publiée dans "Turbulences VIDEO" revue trimestrielle n°16, Juin 1997.