Le retour du bison annoncera la fin du monde des Blancs, si terrible mais si éphémère, et la renaissance, en harmonie avec la Terre-Mère, des peuples
de l’Origine..
Cette prophétie générique aux tribus des grandes plaines nord-américaines,
depuis le fin de la « conquète de l’Ouest », commencerait-elle à se réaliser?
Crise écologique? Crise mondiale?
Du moins dans la veine d’un humour indien, à l’égal d’un humour juif,
un « bison nouveau » est bien arrivé sous la forme de.. casinos.
Le Projet
En compagnie d’une famille d’une toute petite tribu déshéritée d’Oklahoma
-les Yuchis- se mettre, à travers l ’Amérique indienne, sur la piste du Bison d’or
Le Contexte
Les Séminoles de Floride, dans les années 70, déterrèrent un vieux traité signé avant l’indépendance américaine leur permettant le libre commerce de l’argent:
ils l’actualisèrent en créant un premier Bingo.
Une toute nouvelle génération d’avocats et de politiciens indiens se battit pour élargir cette mise à jour: aprés la Cour suprême, le Congrés, par une loi de 1988, en consacrant le droit de toutes les tribus à organiser souverainement dans leur réserve des jeux de hasard -non taxés-, concéda le moyen de trouver/retrouver un pouvoir économique.. Le Bison d’or.. Au moins pour celles des 554 nations indiennes dont les territoires sont aujourd’hui proches de grands centres urbains
-la clientèle visée étant plutôt.. blanche-.
Alors, un sénateur, déjà surnommé le « nouveau Custer », fervent chrétien et allié d’un gouverneur dont les ambitions présidentielles sont soutenues par les patrons de Las Végas, veut maintenant revenir sur cette loi au nom de la morale,
de l’égalité de tous devant l’impôt et de la lutte contre l’archaïsme tribal à l’aube d’un millénaire.. cela serait de bonne guerre.. Le Bison d’Or..
L’histoire des Péquots, décimés dés le 18eme siècle, dont une trés vieille grand-mère, avant sa mort en 1974, eut la farouche énergie de léguer à un petit-fils spirituel sa vision de leur terre repeuplée, sera notre point de départ:
à présent, ils sont 350 et leur casino dans le Connecticut réalise le bénéfice annuel estimé le plus important des USA -1 milliard de dollars-.
La Réalisation
Le Bison d’Or a autant d’apparences qu’il y a de tribus en Amérique et provoque des perceptions pour le moins contrastées tant du côté indien que non-indien.
Se mettre sur sa piste demande donc quelques précautions.
Voyager d’abord en bonne compagnie c’est à dire avec des « acteurs » qui depuis 30 ans sont au coeur des mouvements et luttes sociales, politiques, culturelles indiennes et qui, du fin fond de l’Amérique petite blanche,
du fin fond du grand lieu de déportation indienne au 19e -l’Oklahoma-,
appréhendent trés bien les paradoxes et enjeux -symboliques, économiques-
de « leur » Amérique dont l’énergie spirituelle -ils le savent, ils le souhaitent-
peut s’offrir à tous.. en ces temps de crises de quelques valeurs.. occidentales.
Spiritualité et dollars.. nous sommes bien en Amérique..
Soit voyager « à l’indienne » c’est à dire avec grand-parents et enfants
-un grand van suffit-, leur présence est aussi le processus.
Les compagnons seraient Richard Ray Whitman, ancien militant de l’American Indian Mouvement -il était à Wounded Knee en 73-, photographe, artiste
et son demi-frère Joe Dale tate Nevaquaya, peintre, poète avec qui je travaille depuis plus de dix ans. Nous avons, par exemple, tourné ensemble, en 91, une série de vidéo-portraits de 7 tribus, de Montréal à Santa-Fe..
Visiter ensuite des tribus dont les situations permettent le plus « visuellement »
de poser les bonnes questions.
Soit commencer sur la côte Est par les Péquots dont la situation d’extrème-nouveau-riches a sans doute focalisé le plus de jalousies blanches comme.. indiennes -leurs plus proches voisins, les Mohicans, qui avaient participé à leur quasi extermination en 1637, viennent d’ouvrir, à 15 km de l’énorme complexe péquot de Foxwood, eux aussi, un.. casino-. Au delà cette ironie de l’Histoire,
les Pequots sont devenus les principaux financeurs d’une culture pan-indienne:
ils soutiennent de nombreux projets, allant jusqu’à doter le futur Musée Indien de Washington de 10 millions de dollars.
Continuer, sur la côte Ouest, chez les Lummis dont beaucoup de pêcheurs ont abandonné le saumon pour un Bison d’or qui s’est vite avéré être une chimère:
leur casino a du fermer il y a peu avec un passif de 2 millions de dollars à cause
d’ une concurrence frontalière.. -leur réserve jouxte le Canada-
N’ayant pas d’autre alternative que de retourner à leur culture du saumon, Ils se battent actuellement pour un juste partage des eaux avec les populations blanches les entourant et dont le défenseur est le sénateur de l’état de Washington ..
le « nouveau Custer ».
Poursuivre, en Californie chez les Viejas dont la riche vallée, toute proche du Mexique, une fois le casino tribal passé, avec ses prés verdoyants où paissent d’immenses troupeaux gardés par des cowboys indiens, -archétype hollywoodien-, témoigne d’une politique de réinvestissement avisée. Une bonne part des profits des jeux -10 millions de dollars- a été consacrée depuis huit ans au rachat
de 262 hectares « non-indiens » : recréer l’ espace des ancêtres-.
Cette manière de controler leur destin les a aussi conduits à mener un combat
tout juste, cette fois, remporté -un référendum- contre le gouverneur de l’état
qui voulait imposer un quota de machines à sous par tribu -Las Végas et sa mafia
ne sont pas loin, les présidentielles non plus-.
S’arrêter enfin chez une autre tribu « heureuse et travailleuse »: les Choctaws
du Mississippi. Héritiers d’une poignée d’irréductibles qui avaient pu échapper
en 1830 à la déportation en Oklahoma, vivant dans la Bible belt protestante
du Sud, il sont passés en vingt ans, toujours grâce au Bison d’Or,
d’un état de pauvreté extrème -75% de chômeurs, 98% des revenus provenaient d’aides fédérales- à la possession d’un véritable groupe industriel:
un casino employant 2000 personnes, un hotel de 500 chambres, un golf,
des dizaines d’usines.. Certains parlent du « miracle » choctaw.
Les Choctaws évoquent plutôt la volonté, la solidarité , la bonne.. gestion
et leur détermination à ne pas redevenir des citoyens de seconde zone.
Créer une banque indienne afin de prêter aux tribus défavorisées leur est venu à l’idée..
Alors, la famille Yuchi retournera en Oklahoma parmi les autres Choctaws,
les 50 autres tribus déportées et tous les « cous rouges » petits blancs.. aussi pauvres qu’eux.
Non seulement ils auront même rencontré des « Indiens heureux» mais ils se seront enrichis de mille nouvelles histoires, poèmes, images et .. plaisanteries
sur cette étrange et trés contemporaine créature dont ils viennent de parcourir quelques pistes et dont ils connaissent un peu mieux maintenant le redoutable
et .. spirituel paradoxe.
Le Bison d’Or.